Quelques jours seulement se sont écoulés depuis que nous avons publié, sur Skuola.net, la lettre de libération de l’élève rejeté qui accuse l’école de l’avoir trahi et abandonné, le laissant derrière lui. Ses mots, durs mais en même temps émouvants, ont ému beaucoup d’âmes.

Source photo : via Instagram

Pour répondre au garçon c’est Lucie Azzolinaavec une lettre publiée dans leHuffington Post‘. L’ancienne ministre de l’Education, devenue maman depuis peu, lui voue des mots d’encouragement, l’exhortant à ne pas baisser les bras, malgré les difficultés « physiologique » rencontrés au cours du parcours scolaire : « N’arrêtez jamais d’écrire et d’espérer. Nous avons aussi besoin de ton malaise aujourd’hui, qui sera peut-être ta joie demain.

Réponse de Lucia Azzolina : « La défaite ne doit jamais être interprétée comme un échec »

Voici la lettre complète de Lucie Azzolina.

Cher garçon,
Je vous écris non pas en tant qu’ancien ministre ou même en tant que directeur d’école ou enseignant, parce que je suis sûr qu’elle ne sait pas quoi faire de mes sermons et parce que ce n’est pas l’exercice de l’autorité ou, pire, le jugement d’un adulte dont vous avez besoin en ce moment. Simplement, J’ai lu ta lettre et ça m’a fait réfléchir. Sûrement, en tant que jeune maman, un jour, je devrai moi aussi faire face aux déceptions scolaires de mon fils. En tant qu’enseignant, j’ai vu des cas comme celui-ci, mais de la nouvelle perspective que la vie m’a donnée, je commence à me sentir encore plus proche et donc je vous écris en espérant que vous voudrez entendre quelques mots désintéressés. Je pense que toute attente d’un avenir meilleur, avec l’espoir qui y est attaché, ne peut se réaliser que si, en tant que famille et en tant qu’école, nous assumons tous la responsabilité de comprendre et de valoriser la personnalité de chacun.

Dans votre poignante lettre pleine de colère, adressée à une école qui, selon vous, vous a rejeté et considéré comme un numéro, éteignant peu à peu votre curiosité et votre passion, vous affirmez péremptoirement : « Alors… je jure, Je jette ce stylo maudit et je n’écrirai plus jamaisplus d’histoires, plus de poèmes, plus d’essais et d’arguments, qui évidemment ne me paraissent que beaux ! Arrête d’espérer en vain! ».

Je n’entrerai pas dans le fond de votre rejet, je ne suis pas là pour établir le bien et le mal, aussi parce que je n’ai pas les éléments cognitifs, mais je vous dis que ce serait la plus grosse erreur que vous puissiez faire. Encore plus important que d’abandonner l’école, ce qui, bien sûr, n’en tient même pas compte. Tu dis que tu veux arrêter d’écrire : et pourquoi diable ? J’ai lu votre lettre. Il respire le courage, la passion civique; tu vois que quelque chose bouge en toi, que tu y crois, que tu as encore une folle envie d’espérer et un grand besoin qu’on te dise de continuer. En arrêtant d’écrire, vous rendriez un mauvais service à vous-même et aussi à d’autres, à commencer par moi, qui aimeraient plutôt lire certains de vos poèmes et récits.

C’est justement face à la défaite, au désenchantement, à la folle envie de lâcher prise qu’il faut prendre la plume. Vous voyez, une fois on a demandé à Bartali quel était son secret. Il n’a pas répondu « Le talent » mais « le désir« . Car en montée, parfois même les champions sentent leurs forces faiblir, mais c’est à ce moment-là que l’envie entre en jeu, cette impulsion intérieure qui vous pousse à pédaler à nouveau, à serrer les dents, à souffrir et à avancer. Savez-vous combien de fois j’ai moi-même pleuré, combien de fois je me suis sentie seule, incomprise, moquée, humiliée ? Cela n’arrive pas seulement quand vous êtes un enfant. Cela nous arrive aussi aux adultes, beaucoup plus souvent que vous ne le pensez, mais la défaite ne doit jamais être interprétée comme un échec. Vous n’avez pas échoué : vous venez de perdre une partie. Vous êtes tombé de vélo. Patience. Tu as tous les outils en toi pour te relever et recommencer à pédaler, pour grimper au sommet.

Je vous écris pour m’adresser à tous les garçons et filles qui n’ont pas réussi cette année : n’abandonnez pas, ne pensez pas que le monde est en colère contre vous. L’école fait parfois des erreurs, même sensationnelles. Et parfois vous vous trompez, mais ce n’est pas grave. C’est physiologique ! L’école, avec ses forces et ses faiblesses, sert non seulement à exalter les meilleurs mais surtout à prendre soin de ceux qui ont des difficultésde ceux qui restent, des derniers, des faibles, des fragiles et de ceux qui ont besoin d’un peu plus de temps pour tourner la descente.

Il y a une légende, que j’aime à croire vraie, selon laquelle un jeune compositeur italien, que j’espère à l’école vous a fait bien apprécier, avait décidé d’abandonner sa carrière d’opéra. Il était resté veuf de sa première femme et l’une de ses œuvres s’était avérée être un fiasco sensationnel, accompagné de huées solennelles. L’impresario Merelli lui confie un livret de Solera. Notre compositeur est rentré, l’a jeté sur la table et le livret s’est ouvert à un endroit précis. Eh bien, cette pièce était « Va’ pensiero », cet opéra était Nabucco et le jeune compositeur s’appelait Giuseppe Verdi. Il a repris la composition et la suite appartient à l’histoire. N’arrêtez jamais d’écrire et d’espérer. Nous avons aussi besoin de ton malaise aujourd’hui, qui sera peut-être ta joie demain.

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