Il avait déjà écrit « Le Journal d'un poète nouvellement marié » et New York faisait déjà partie de sa biographie lorsque Juan Ramón Jiménez Il a écrit « Pierre et ciel » (1919), un livre qui approfondit le symbolisme que les Français reprochaient de se prendre trop au sérieux et que l'Espagnol écrivait avec des pierres, peut-être parce que la beauté est faite pour briser le verre. Dans ce recueil de poèmes (d'où est né le mouvement poétique 'piedracielisme' en Colombie) Juan Ramón Jiménez a inclus ce verset : « N'y touche plus, c'est à ça que ressemble la rose. »
Par ces mots, le Nobel faisait allusion à la perfection vivante ; ce qui s'obtient sans forcer les choses ni les manipuler jusqu'à ce qu'elles se fanent ou s'abîment. C'est ainsi que le critique littéraire et écrivain Ricardo Gullón l'a décrit sans retirer un seul pétale de la sage rose de Juan Ramón. Je pense à ces choses alors que je traverse le pont sur la rivière Providence à Rhode Island, écoutant encore et encore la stupide bannière du monde. Nous pourrions tous recourir à l’éviction du militantisme, à l’abolition des bonnes intentions ou à une suspension temporaire des espoirs de sauver le monde ou d’être pris au sérieux. Personne n’est obligé de nous aimer, et les griefs ne sont pas non plus le moyen d’atteindre le Nirvana.
Ne pas avoir le vertige est une forme de beauté. Résistez à l’affirmation, à l’apprivoisement aussi. Il conviendrait de parier sur la limite qu'occupe la beauté tant qu'elle dure, de celle qui vibre fortement comme une soprano qui chante avec un haut-parleur de téléphone à la main ou une symphonie, qui par quarte et « romantique », comme celle de Bruckner, libère un nid de frelons de drones dans la poitrine. Le beau s’il n’a pas de but, deux fois plus beau. Le beau, si on ne sait pas combien de temps ça va durer, deux fois plus beau.
Devant moi marche un clan qui pense que le monde est meilleur si on l’endoctrine. Je pense à ces choses en fumant dans un endroit où personne ne fume et avec un téléphone portable sans roaming de données. Je tire une bouffée. J'aimerais appeler et dire à celui qui répond que ce serait bien de se rencontrer, ici et maintenant. Vraiment? Tout serait-il vraiment plus beau ? N'est-ce pas comme ça ? « N'y touche plus, c'est à ça que ressemble la rose. »
